Habiter la contradiction, vivre l'expérience !

Édito de la saison 22-23

Des idées et expériences pour le monde d'aujourd'hui, des utopies pour celui de demain !

À l’instar du projet « la Caverne » qui illustre  notre saison et réenchante des espaces urbains au bénéfice des habitant·es, nous vous proposons une saison qui questionne et poétise notre quotidien. Ce monde se dessine par le changement des imagi-naires, leur décolonisation et convoque de nouvelles représentations de liberté, égalité, adelphité.

 

Si les artistes, tel·les des sismographes, décèlent la complexité du monde, il·elles n’offrent pas de réponses mais œuvrent, comme l’écrit  Geneviève Fraisse, « à habiter la contradiction ».  Aussi choisissons-nous de cheminer avec des artistes singulier·ères qui assurent une permanence au théâtre et sur le territoire du 5e. Votre chaleureuse présence, cher·ères spectateur·rices, votre intérêt pour les œuvres contemporaines, votre appétence pour l’inconnu, nous permettent d’imaginer avec enthousiasme les 3 prochaines années, accompagné·es du soutien renouvelé de nos partenaires publics.

 

Poursuivons donc cette aventure dès cette rentrée avec 3 nouvelles équipes associées, 3 duos femme-homme : Alice Vannier et Sacha Ribeiro (cie CALC), Liora Jaccottet et Pascal Césari (collectif La Lenteur) et Inês Barahona et Miguel Fragata (cie Formiga Atómica, Portugal). Une génération qui fait émerger des espaces utopiques, à l’image de L’État du Monde,  un dur réveil qui nous confronte aux défis environnementaux du siècle. Cette saison, nous souhaitons faire de chaque soirée passée au théâtre et en Nomades un moment unique. Aussi nous vous convions à des expériences immersives, qui permettent une porosité entre les mondes et une proximité avec les artistes :  
dans le troublant théâtre en chambre imaginé avec nos artistes associé·es pour Portraits hôtel ; dans le cercle de gradins blancs où le suédois Marcus Lindeen dévoile cinq métamorphoses identitaires déconcertantes ; dans la cuisine d’Eva Doumbia où un délicieux mafé végétarien révèle notre histoire coloniale : Autophagies

 

Cette nécessaire décolonisation de nos imaginaires  se prolonge dans l’intimité du couple mixte de Chasser les fantômes (Hakim Bah), par les voix des migrant·es de l’Aquarius du Dernier voyage (Lucie Nicolas), de celle, prise entre intransigeance administrative et détresse des êtres, de L’Araignée (Charlotte Lagrange) et enfin de celle de la jeunesse en proie à la violence du pouvoir en Guinée – La Cargaison (Souleymane Bah). Une violence qui est trop souvent celle de la guerre dont les femmes sont toujours doublement victimes. Une guerre qui résonne aussi bien en Amérique du Sud  où se libère la parole d’anciennes combattantes et  de victimes civiles colombiennes avec Le Prix des roses qu’à nos portes dans Antigone et son chœur ukrainien des Dakh Daughters (réfugié actuellement en France) en lutte avec le pouvoir russe.

 

Des femmes en exil sont aussi au cœur de Tünde et Graine des Ziban. Des « artistes-témoins » dévoilent en français et en Langue des Signes Française (LSF), en hongrois et en arabe, comment leur prénom recèle des identités cachées.Ces bouleversantes histoires témoignent de nos identités multiples : familiales, linguistiques, culturelles, ethniques, sexuelles.Une saison où l’on met aussi gaiement en abyme le monde du divertissement, celui des fans avec Oh Johnny de Liora Jaccottet ou du jeu télé avec KillJoy Quiz de la féministe brésilienne Luanda Casella. Une saison où se poursuit une série d’enquêtes de Grands ReporTERRES – largement plébiscitée par le public et la presse – et d’aventures complices avec Les SUBS, le Théâtre de l’Elysée, le Théâtre  des Clochards Célestes, le Théâtre de la Croix-Rousse, les festivals Sens Interdits et utoPistes.

 

Une saison pour vous et avec vous car « Il s’agit d’inventer d’autres manières d’habiter la Terre, dans l’espoir de faire de celle-ci un véritable refuge non seulement pour quelques-uns,  mais pour tous, humains et non-humains. »

Souleymane Bachir Diagne, philosophe sénégalais

 

Angélique Clairand et Éric Massé

co-directrice et co-directeur du Théâtre du Point du Jour